LE COLOSSE ET LA FRAGILITÉ
OMAR, POTIER À RYAD, COMMUNE DE TAMALOUKT. TAROUDANT
« Dureté et rigidité sont compagnons de la mort. Fragilité et souplesse sont compagnons de la vie ». Lao-Tseu
Textes et photographies Marc Belli
Sur la porte en planches de bois recyclées quelqu’un à écrit « LOVE » à la craie. D’une voix rugueuse, Omar m’invite à entrer dans son atelier. Il faut se baisser pour pénétrer dans le petit réduit en terre où règne un magnifique clair-obscur. Dehors une lumière crue inonde le paysage. Ses mains épaisses tiennent une frêle cigarette qu’il vient d’allumer. Le visage noyé dans les volutes de fumée blanche, on devine une peau noire tannée comme du cuir. Agenouillé dans la pénombre, Omar balance sa silhouette massive d’avant en arrière. Du plat de la main et dans un bruit sourd, il frappe vigoureusement depuis cinq minutes un gros bloc d’argile pour le ramollir, laissant parfois un belle empreinte de sa main sur le pain de terre. Le souffle haletant, éprouvé par l’exercice, il fait une pause, allumant à nouveau une cigarette.
Dans un camaïeu d’ocres, posées dans la poussière le long d’un mur, de belles vasques en terre crue sont en train de sécher attendant d’être enfournées. Près de son tour de potier, une théière et un verre à thé côtoient un paquet de Marvel ; dans le fond de la petite pièce, à l’opposé de l’entrée, gît un grand tas de mégots. Au centre, la pointe d’un tronc d’arganier en équilibre sur un gros caillou maintient un plafond tressé de rondins de bois tordu. La stature imposante d’Omar dans l’abri exiguë accentue l’impression de fragilité. Jetant sa cigarette vers le tas, il se remet au travail. Pieds nus, assis devant son tour à demi enfoui dans le trou, à l’aide de son pied droit il fait tourner un pain de terre humide posé sur la sellette. Ses mains de géant caressent la terre glaise avec une délicatesse infinie.
L’air concentré, le geste précis et tendre dans une chorégraphie de mains, il métamorphose la terre glaise en une élégante vasque. A côté de lui est posé un bol de pigment rouge, où trempe un pinceau fin qu’il saisit pour prélever un peu de couleur. Il lève le pinceau à la verticale de la vasque qui tourne devant lui, puis le descend lentement et d’un seul geste dessine une spirale parfaite. Le travail achevé il se lève pour détacher du socle la pièce en terre encore fraîche et molle. Il déplace à pas de velours son immense corps, tenant entre ses mains protectrices la fragile vasque. Il penche le buste à angle droit sans plier les jambes, et dépose délicatement la céramique sur le sol tout près des autres. Il se redresse heureux, et m’adresse un sourire édenté en allumant une cigarette.
Note : Omar vit et travaille à Ryad dans le village où il est né. Un village de potiers posé à flanc de montagne sur les contreforts du Haut Atlas à une quinzaine de kilomètres de Taroudant. Omar vient une fois par semaine y vendre ses céramiques, au souk du dimanche où il tient un stand. Il a réalisé la plupart des jarres et vasques en terre cuite exposées à DarZahia et dans notre jardin, où il a notamment réalisé les vasques vernissées des lavabos des pavillons. DarZahia organise régulièrement des visites du village de Ryad et de ses environs. Il est possible aussi, à la demande, de participer à des ateliers de céramique avec les potiers du village.
Magnifiques photos Marc !!!
Je reviendrai à Taroudant, c’est sûr ! Je ne l’ai pas encore rencontré « Le Colosse » !